Oui, la psychanalyse guérit !

Note rédigée par Patrick Avrane dans les Lettres de la Société de Psychanalyse Freudienne.

Jean-David Nasio ne s’embarrasse pas de circonvolutions ; certaines de ses affirmations, comme celle qu’il met au titre de son dernier ouvrage, sont assurément salubres pour la psychanalyse. Toutefois, nous dit-il, c’est moins la psychanalyse qui guérit que celui qui l’exerce. « Je suis convaincu qu’un psychanalyse guérit son patient grâce, non seulement à ce qu’il sait, à ce qu’il dit ou à ce qu’il fait, mais grâce surtout à ce qu’il est, et, j’ajoute, à ce qu’il est inconsciemment […], au-delà de l’école à laquelle il appartient et au-delà de la technique qu’il emploie » (p.16 souligné dans le texte).

Dans son livre, Jean-David Nasio développe donc ce qu’il entend par ce être psychanalyste qui travaille avec ce qu’il nomme son inconscient instrumental : « Son inconscient de thérapeute, un inconscient assoupli, réceptif et résonnant » (p.18). Nous y retrouvons, dans une écriture didactique, les ressorts de la clinique. Plusieurs points sont mis en avant, comme « l’identification du psychanalyse d’aujourd’hui à l’enfant endolori d’hier » (p.23) ou, dans l’écoute, le fait que « ce n’est qu’au-dedans de soi que l’on rencontre l’autre » (p.39), l’indicateur essentiel de la non-confusion entre soi et l’autre étant la surprise.

La pratique de l’interprétation est un des chapitres essentiels du livre. L’auteur souligne tout d’abord que « incontestablement, il y a une grande différence entre se taire alors qu’on a beaucoup à dire et rester muet parce qu’on n’a rien à dire. Justement, ce qui est difficile pour un psychanalyste est de savoir se taire alors qu’il brûle d’impatience de parler » (p.50). Mais, pour interpréter, il s’agit que l’inconscient ait mûri en devenant préconscient, « interpréter, c’est toujours cueillir le fruit mûr de l’inconscient » (p.93). Jean-David Nasio propose quatre variantes de l’interprétation : la rectification subjective, la prosopopée interprétative, l’interprétation narrative et l’interprétation gestuelle, qui sont à chaque fois montrées par des exemples cliniques. Ainsi, pour expliquer la rectification subjective, il nous fait part du cas d’une petite fille de dix mois qui ne dort plus. Sa mère est hantée par le suicide de sa propre sœur, elle éclate en sanglots pendant la séance. « A cet instant, en voyant la mère en larmes, je me tourne vers le bébé et, avec la conviction d’être pleinement entendu, je lui dit : « Tu sais, Clara, j’ai compris pourquoi tu ne dors pas. Tu ne dors pas parce que tu sens ta maman en danger et tu veux la protéger […] C’est moi qui vais m’occuper du chagrin de ta maman » » (p.131), et nous entendons combien Jean-David Nasio est ici dans la continuité de Françoise Dolto, dans l’inventivité de sa pratique.

Ainsi, au-delà des différentes propositions que fait l’auteur dans son livre, nous lisons le témoignage par un psychanalyste de sa pratique, une pratique qui n’est pas figée dans un carcan, mais dont, ce qui n’est pas si fréquent, Jean-David Nasio à la fois fait part et qu’il explique. Oui, la psychanalyse guérit, à commencer par le psychanalyse pourrions-nous ajouter, car « guérir, c’est aimer l’enfant que nous avons été et qui vit toujours en nous » (p.143).